TURKEY: Facing my worse demon, Part 4 of 5

Version française en-dessous des photos …

Basak dumps her vegetables in the sink, runs towards me, sits as close to me as she can, grabs my arm You are from … the  … Armenian … Diaspora? She falls silent for a moment. You know, she adds hesitantly … the Genocide, it’s a big thing here. Yes … I … know, I hear myself say. Then she jumps back to her sparkling self … tell me EVERYthing, tell me your family story. What happened?

Tell her??? Now??? At the dinner table??? In front of everybody???

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I am sent right back to my beloved aunt’s kitchen. I’m ten, eleven, maybe twelve. She is sharing with me her Armenian cooking secrets. Every week another one. The way I remember it, is that after a moment of light conversation and laughter, she would always find the invisible door to her childhood memories as well as the stories that were shared with her later on in life. I am not sure she knew the difference.

They were nightmarish tales of the horror inflicted by humans on humans.

I don’t think there were many different stories. I don’t remember details. My guess is that she repeated just a few over and over. Much like a folk song. Our family folk song. With each repetition, images and words burrowed themselves deeper into my soul and my heart. Unbeknownst to me, I was being marked with a seal for the rest of my life. My aunt took her hatred of the Türks all the way to her grave. My dad on the other hand would always counter her version by saying “there are bad Armenians and good Turks, you cannot judge a whole people”. I don’t think he ever said that in front of her however.

To this day, I have never repeated the stories my aunt told me. I can’t.

Some twenty years passed until one day I was given the gift of Awareness.
It came to me under strange circumstances.

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Basak jette tous ses légumes dans l'évier, court venir s’asseoir le plus près possible de moi, attrape mon bras Tu … viens… de … la…diaspora  arménienne? Elle se tait un instant. Tu sais, ajoute-t-elle avec hésitation… le génocide, c'est une grande chose ici. Oui… je… sais, je m'entends dire. On dirait que tout se passe au ralenti. Elle revient à elle, ses yeux sont fixés sur les miens comme si on était seules au monde … dis-moi TOUT, raconte ton histoire de famille. Que leur est-il arrivé?

Quoi? Lui raconter tout cela? Et en plus, maintenant? Devant tout le monde?

Là, je tombe comme dans un trou: je suis dans la cuisine de ma tante bien-aimée. J'ai dix, onze, peut-être douze ans. Souvent jeudi matin je vais chez elle pour qu’elle partage avec moi ses secrets de cuisine arménienne. Chaque semaine, une autre recette. Dans mes souvenirs, après un moment de conversation légère et de rigolade, elle trouve toujours la porte invisible de son enfance et les histoires déferlent. Certaines sont directement liées à ma famille, d’autres elle a adopté plus tard dans la vie. Je ne suis pas sûre qu'elle sache la différence.

Des contes cauchemardesques. L’horreur infligée par les humains aux humains.

D’après moi  il devait y avoir juste quelques histoires. Je suppose qu'elle les répétait encore et encore. Un peu comme si elle se parlait à elle-même. Une sorte de chanson folklorique. Notre chanson folklorique familiale. À chaque répétition, les images et les mots s'enfoncent encore plus profondément dans mon âme et mon cœur. À mon insu, elle est en train de me marquer d'un sceau pour le restant de ma vie.

Ma tante a emporté sa haine des Turques dans sa tombe. Mon père, par contre, ajoutait toujours son côté à lui à cette version en disant « tu sais, il y a de mauvais Arméniens et de bons Turques, tu ne peux pas juger tout un peuple en un coup». Par contre, je ne me rappelle pas l’avoir entendu dire ça devant sa soeur.

Je n'ai jamais répété les histoires que ma tante m'a racontées à personne. Je ne peux pas.

Une vingtaine d'années se sont écoulées jusqu'au jour où j'ai reçu un Cadeau de la vie: la conscience de moi; de ce qui se tient caché en moi.

Cela m'est venu dans des circonstances étranges.